mercredi 2 décembre 2009
Le pays du sourire et des contrastes
Alors voilà. On a intégré tant de besoins qu'ils nous semblent tous vitaux. Dans un pays comme le Cambodge, on se rend compte qu'on a vraiment trop de choses, et qu'on passe beaucoup trop de temps coupés des nôtres pour acquérir tous ces biens superflus. L'intense activité et la vitalité qui existent à la ville comme à la campagne, les sourires et les rires omniprésents empêchent tout misérabilisme. Les Cambodgiens sont un peuple heureux. Ils vivent majoritairement à la campagne, où peu d'argent suffit.
Ici, à Phnom Penh, il y a beaucoup d'activités, de déplacements. Les gens travaillent tout le temps, mais différemment. Beaucoup du travail visible à la ville consiste à attendre le client, ce qui en soi n'est pas épuisant, surtout quand ça se passe en famille, à la maison. À la ville, et dans les petits bourgs le long des routes, les cafés sont remplis d'hommes. Il règne une certaine nonchalance, malgré le bourdonnement des motos omniprésentes.
À la campagne, il y a le dur travail des rizières, qui n'a pas changé depuis la nuit des temps et qui occupe la majeure partie de la population. C'est un travail collectif, rythmé par la pousse du riz qu'on repique, des mauvaises herbes qu'on arrache.
Ils possèdent leur maison bâtie souvent par eux-mêmes, en bois, en bambous, avec des toits de palmes. Ils n'ont pas de loyer à payer, l'eau n'est pas chère, l'électricité l'est un peu.
Le Cambodge est répertorié comme un des pays les plus pauvres, car les salaires sont vraiment bas (50$ pour un fonctionnaire, qui complètent par une corruption généralisée : professeurs, policiers se font payer en plus, c'est dans les moeurs). Mais 90% travaillent dans le secteur informel, et en campagne, où ils produisent leur nourriture; donc ils ont vraiment de très faibles besoins.
À titre d'exemple, Pat Bona, (voir À Kratie chez la famille Pat), le jeune garçon qui veut devenir docteur, doit payer 80 $ à l'année pour suivre les cours de chimie, physique et maths de Terminale. Ses parents lui ont donné 30 $ (son père est pêcheur en saison des pluies et vend de l'eau potable en saison sèche) donc il va travailler trois mois comme guide touristique pour compléter la somme. Quand je lui ai donné 10$ en coins américains que j'avais emportés et qui m'étaient inutiles (mon père avait fait la collec des coins des divers États américains et me les avait donnés avant de partir, j'ignorais que seuls les billets ont cours ici) en lui disant qu'il pourrait facilement les changer en billets grâce aux touristes qu'il fréquentait chaque jour, à ma surprise, il n'a pas été particulièrement content. Peut-être en doutait-il ? Ou le rapport à l'argent est différent ? Au Laos, dans un bus populaire, la femme en face de moi comptait et recomptait sans aucune discrétion des liasses de billets qui remplissaient son sac ! Qui ferait une chose pareille en Europe ou en Amérique latine ?
Si l'on va dans les bidonvilles (je n'y suis jamais allée, d'autres stagiaires visitant des gens pour une enquête sur le micro-crédit oui et m'ont raconté qu'il y a des situations très diverses : certains vivent dans des cahutes sur pilotis avec détritus et déjections en-dessous, mais d'autres vivent tout à fait dignement. La plupart des gens font des petits boulots pour un tout petit salaire. Les enfants sont nombreux à vivre dans les rues, beaucoup sont dans la rue avec leurs parents, trient les poubelles. Mais parfois on les voit rire ensemble, la joie semble plus forte. On voit certaines personnes misérables, mais on en voit autant chez nous. C'est assez difficile à expliquer. Il serait naïf de dire que tout va bien chez eux mais chez nous aussi, on a de graves problèmes à un autre niveau. Ici la plupart sont pauvres, ce qui fait qu'ils sont tous au même niveau, et la vie n'est pas chère. Chez nous, se loger, se nourrir coûte si cher, et on est vite exclus si on n'a pas de biens extérieurs.
Il n'y a relativement peu de chômage tel que nous le connaissons, il y a plein de petits boulots informels; mais avec la crise, des centaines de milliers d'ouvrières ont été licenciées.
Les ONG, très nombreuses au Cambodge, ne suffisent pas et servent à pallier le désintérêt de l'État, qui par exemple n'a pas jugé bon d'inscrire l'éducation au nombre des actions prioritaires pour le développement, comme le sont la santé ou l'agriculture... On peut toujours rêver et espérer un changement en 2010... Donc bien sûr, la situation est loin d'être toute rose, mais le Cambodge a de la ressource, il ne faut pas l'oublier.
Sur ce, à plus !
Insolite
Alors voilà. Avant de partir,en août, j'ai écrit cette rubrique fourre-tout sur toutes petites choses amusantes et inattendues que j'ai aperçues au Cambodge et au Laos.
CORPS
Grain de beauté : pour qu'il porte chance, il faut laisser pousser les poils, ce qui fait parfois une barbichette inattendue au milieu de la joue ! J'ai vu des hommes en porter, mais jamais de femmes (la coquetterie a dû l'emporter !).
Épilation : j'ai aussi vu des hommes s'arracher les poils de la barbe à la pince à épiler dans la rue en se regardant dans le rétroviseur ! Il faut dire qu'ils n'ont pas grand'chose en fait de poils...
Ongles : toutes les femmes prennent grand soin de leurs ongles. Il y a des petits salons ambulants de manucure pour un dollar à tous les coins de rue. Elles aiment les avoir longs même aux doigts de pieds. Il y a des couleurs inattendues : jaune, vert, bleu. Et des fois des dessins dessus.
Les hommes aussi ont parfois les ongles longs, surtout l'auriculaire, pour se gratter l'oreille comme son nom l'indique...
Minceur : c'est tout simplement écoeurant. Tout le monde est mince. On a l'air tous obèses à côté. Mais attention, les gens mangent, tout le temps un peu. Du riz à chaque repas, ou des nouilles, de riz aussi. Des petites brochettes, des currys délicieux, et j'en passe, de la bière et tout et tout. Mais ils restent tous minces...
Au Cambodge, une personne nous a dit qu'au Laos les gens sont plus gros à cause du riz gluant qui est une de leurs spécialités (en fait, il est pas gluant mais très collant, il se mange en boulettes roulées à la main) ! C'est vrai qu'on a vu plus de gens enrobés, mais bon, de là à incriminer la cuisson du riz... on ne s'avancera pas !
Cheveux : ils se font moins de cheveux blancs ! C'est pas des blagues ! C'est très difficile de donner un âge aux gens, ils ont généralement l'air plus jeune qu'ils ne sont déjà ! J'ai parlé avec des personnes de 60 ans (par exemple la dame aux lobes élargis, portant des grosses boucles d'oreille, ci-dessous en photo, d'une ethnie qui a non seulement les lobes élargis mais les dents sciées à l'âge de 15 ans (!), mais les jeunes ne suivent plus la tradition) qui n'avaient pas un seul cheveu blanc (j'ai bien regardé les racines !).
Rides : ils en ont moins aussi. Ils font facile 10 à 20 ans de moins que leur âge.
À quand le régime asiatique pour leur chipper leurs secrets de jouvence ???
HABITS
Pyjama : À Phnom Penh, on peut voir beaucoup de femmes en pyjama à motifs imprimés (des fleurs aux nounours), ça fait bizarre au début, on se dit : Tiens, encore une qui n'a pas eu envie de s'habiller aujourd'hui... et puis non ! Ce n'est pas considéré comme un pyjama, juste un vêtement confortable, voire joli (?).
Jupe : Au Laos, même si certaines sont en jean ou en short, beaucoup de femmes portent la jupe traditionnelle tissée en soie descendant jusqu'à mi-mollet. En-dessous elles portent un caleçon. Très pratique pour faire pipi dans la nature aux arrêts de bus en particulier (le jean s'y prête moins !).
Tongs : la tong est LA chaussure. Même quand vous faites un trek de deux jours dans la montagne avec des bottes dans vingt cm de boue (vive la saison des pluies), en total aquaplanning, faisant un pas en avant deux pas en arrière, soit en montée soit en descente (les deux sont techniques), vous voyez arriver des Laotiens tout sourire, pieds nus, tongs à la main, semblant voler au-dessus du sol. Vous maudissez alors votre gaucherie de citadin habitué à son stupide asphalte anti-dérapant.
NOURRITURE
Petites friandises : Alors là, accrochez vos ceintures.Tout est très bon, varié et sain (je n'ai jamais été malade en 4 mois, en mangeant dans des endroits populaires). Mais il y a des petites fantaisies qui nous laissent perplexes. Cambodgiens et Laotiens font frire cafards, sauterelles, araignées (« Do you like spiders ? » me dit un jour une petite voix enfantine à une pause déjeûner en bus. Je me suis retournée, la gamine de 10 ans avait une mygale vivante sur l'épaule, qui allait passer à la casserole de friture ! Je suis remontée dans le bus plus vite que d'habitude !), mais aussi scarabées, rats au barbecue (éh oui, c'est au Laos qu'on en a vus) et même chauves-souris (on s'est demandé ce que c'était jusqu'à ce qu'on reconnaisse les ailes...) dans un marché à Muang Kua, Laos. C'est consommé comme des petites friandises, sans rien. Les intrépides qui ont goutté les sauterelles disent que ça a surtout le goût de l'huile... Avis aux amateurs. Dans le Nord du Laos, un voyageur nous a confié avoir été invité à un repas où on lui a servi du chien. C'est très goûtu, nous a-t-il dit, et dur... comme du chien !
La feuille de bananier : moyen écolo pour emballer la nourriture : petits gâteaux de riz au lait de coco, mais aussi poisson cru, etc. Le problème, comme on ne peut communiquer la plupart du temps (sauf pour les prix, les femmes savent souvent le dire en anglais), c'est que ça se transforme en pochette surprise, surprise désagréable quand on tombe sur du poisson cru au piment à la place du petit cake espéré...
lundi 29 juin 2009
Angkor magique
Petit Kirikou cambodgien avec sa mère devant le temple d'Angkor
Alors voilà. Comme je le disais dans mon précédent post, je ne suis pas en vacances. N'empêche, j'ai réussi à me faire de très jolies escapades ces deux derniers mois, chronométrées certes, puisque faites en un week-end, avec des trajets de 4-6h de bus juste pour un aller, mais quand même, ça valait le coup. À part Kratie, il y a eu les maisons flottantes à Kompong Chnang, la côte avec Kep et Kampot, l'écotourisme (cascade et nuit chez l'habitant) à Kompong Speu. Je posterai tout ça très bientôt.
Le site d'Angkor
Mais je commence par le clou du clou où je suis allée ce week-end : les fameux temples du site d'Angkor. 287 au total, rien que ça. C'est la merveille des vestiges de la riche civilisation khmère. Les temples sont tous très différents selon les époques; certains sont sous forme de pyramides et rappellent les temples mayas. Il y en a qui sont d'influence hindouistes et d'autres bouddhistes, mes préférées, les plus mystérieux. Partout, il y a des blocs de pierre hallucinants, et des bas-reliefs sur tous les murs ou presque. Et le site est magnifique, tout vert, avec des immenses arbres centenaires, tels que je n'en avais encore jamais vus dans le pays. Le tout a un enjeu touristique énorme (hotels de luxe à foison dans la ville, Siem Reap, qui a des jardins tout taillés, tout proprets, c'est joli mais sans âme; les droits d'entrée sont à 20 dollars la journée, 40$ les trois jours) et la situation est actuellement très tendue avec la Thaïlande qui voudrait se le réapproprier.
Moines faisant la queue au guichet du site
Pirouettes dans les douves du temple !
Angkor Wat
À bicyclette, passant des portes grandioses...
Celui que je voulais absolument voir est le Ta Phrom, qui a la caractéristique d'être envahi par des arbres gigantesques dont on sent qu'ils vont gagner la partie un jour contre la pierre tellement leurs racines s'insinuent dans les interstices et retournent des blocs pourtant imposants. Avec Renan, un copain rencontré à Phnom Penh, nous décidons de partir en vélo le matin à 7h pour le petit circuit (15 km, plus 5 pour aller en ville), pour être sûrs de ne pas être trop nombreux sur place. C'était magique, malgré quelques groupes de touristes asiatiques parlant fort et prenant les poses de rigueur (doigts en V, ils adorent ça).
Je suis conquise...
On n'est pas tout à fait seuls... Certains prennent la pose !
Le sourire du Bouddha
Le temple Bayon est le plus incroyable pour moi. Il y a 34 têtes (plus de 50 à l'origine) de plusieurs mètres à 4 faces, portant toutes le visage souriant de Bouddha. Une forêt de têtes, surplombée par une seule. Et des galeries et des terrasses qui les rejoignent. À l'intérieur de chacune, il y a une voûte, et un autel avec une statue du Bouddha, et des offrandes aujourd'hui encore (de l'encens principalement) et une corbeille pour mettre quelques billets en échange. À un endroit, il y a des femmes en habits de danse traditionnelle. Elles prennent la pose traditionnelle (doigts et pieds incurvés) pour la photo contre un dollar.
Bayon
Angkor Wat est le plus carré, le plus rationnel des temples pour moi; c'est une véritable forteresse, avec des douves larges de plus de 1000 m et de 2-3 m de profondeur où les enfants plongent, avec un système de portes qu'on franchit et qui fait découvrir à chaque fois de nouvelles tours pointues, de nouvelles galeries. Les moines sont nombreux à venir dans ce site sacré. On engage la conversation avec trois jeunes d'entre eux. Comme une femme n'a pas le droit de toucher un moine sinon il perd tous les biens acquis (le féminisme attendra !), je me tiens à distance respectueuse sur la photo, tandis qu'ils se mettent bras dessus-bras dessous spontanément avec Renan. Être moine au Cambodge n'est pas forcément quelque chose de définitif. Ça peut être simplement un passage initiatique, quelques mois avant le mariage. Le jeune en orange clair (il n'y pas de signification aux dégradés, c'est juste en fonction des goûts !) est moine depuis trois ans et semble très impliqué, et nous explique sa pratique très sérieusement, mais les deux autres rient comme n'importe quels jeunes.
1h30, je dois repartir dare-dare, mon bus est dans une heure. J'arriverai à Phnom Penh 6 h plus tard, avec un siège restant désespérément incliné au maximum, mais avec aussi un voisin parlant anglais. Il me raconte qu'il fait ce trajet tous les week-ends, parce qu'il prend des cours du soir pour avoir un master en finances (il travaille dans une banque); tous les week-ends, il fait 12h de bus pour voir 24h sa femme et son petit garçon de 7 mois, Heng Heng (prénom chnois qui veut dire chanceux), et il compte faire ça plusieurs années. « C'est la vie », me dit-il. Il me dit qu'il aimerait venir à Paris pour voir la Tour Eiffel et l'Arc de Triomphe, peut-être dans vingt ans, me dit-il en riant, parce que c'est cher.
Voilà, Angkor c'est fini. À plus !
Mon stage en ONG
Bénéficiaires du micro-crédit (85 euros max) avec les caissiers
Traversée du désert
Alors voilà. Après un mois et demi de silence, I'm back. Pourquoi n'ai-je rien écrit pendant tout ce temps? Éh bien parce que une fois passé un mois et demi de découvertes, d'émerveillements, j'ai eu un petit passage à vide, je me suis sentie seulette, ben voui...Et comme de juste, c'est à ce moment-là que je me suis fait tirer mon sac, quand j'étais à vélo. Deux types sur une moto ont surgi, la moto a freiné, le mec de derrière m'a couru après. Le tout dans une rue déserte (chose rare, il était 20h), et complètement noire sur 20 m, alors que le début était illuminé et animé. Le flip... le sac (que je ne prenais jamais, il a suffi d'une fois !) a cassé facilement, c'est déjà ça. Mais la peur, elle, ne m'a plus lâchée pendant plus de dix jours. Et encore maintenant je regarde parfois ce qui m'entoure avec suspicion. Je suis une Barang, une étrangère, et cela fait de moi une poule aux oeufs d'or de facto, même si je roule sur un vélo pourri et que j'ai 10 dollars sur moi. Après, tout le monde m'a bien sûr raconté tous les vols qui s'étaient produits dans les six derniers mois....le record : une fille qui s'est fait piqué son sac 6 fois en 2 ans ! En tuk-tuk, en moto, en vélo, devant chez elle...Donc, tout mettre dans ses poches, ou porter un sac à dos, pas de petit sac le soir.Il a suffi qu'une fois je manque de vigilance. Évidemment cela gâche le plaisir, mais bon cela peut arriver partout.
Donc ce mois dernier a été surtout occupé par le boulot, ce qui est logique, c'est pour cela que je suis venue !
Mon stage en ONG
En quoi consiste mon stage? C'est toujours un peu long à expliquer, alors pour ceux qui ne sont pas intéressés, sautez cette partie !
Je suis en stage chez Entrepreneurs du Monde, association de micro-crédit dont le siège est à Poitiers, qui est implantée dans divers pays dans le monde. Il s'agit de tout petits crédits (200$ maxi) pour des gens qui vendent leurs produits sur le marché ou dans la rue.
Ma mission (ce terme me fait immanquablement penser à la formule des films d'espionnage de série B : « Votre mission , si vous l'acceptez, est de libérer le Pentagone de dangereux terroristes. Ce message s'autodétruira dans 5 secondes. »), bref je disais ma modeste mission est d'identifier les besoins des étudiants issus de centres de formation professionnelle de Phnom Penh pour lancer leur petit business (petit salon de coiffure, atelier de réparation mécanique, etc.).
J'ai d'abord fait , les deux premiers mois, une évaluation d'une formation existante (« Business curriculum »), à Friends International, qui s'occupe d'enfants des rues, jusqu'à l'âge de 24 ans. La philosophie de cette ONG devenue entreprise sociale (cela veut dire que diverses activités -restaurants, boutique, salon de beauté- servent de lieux d'apprentissage pour les étudiants et génèrent des revenus; l'idée est de devenir indépendant à terme et de tourner en autonomie sans financement extérieur), sa philosophie donc est de réintégrer les jeunes dans leur famille, dans des écoles, pas de les garder à part. Il y a des ateliers pour apprendre un métier de façon pratique. La durée d'apprentissage est souple, elle dépend des capacités de l'étudiant et de la compétence technique à acquérir.
Interviews d'étudiants
Avec Dany, ma collègue khmère chargée de l'évaluation, une fille intelligente et drôle, qui souhaite aller faire un master en Australie ou aux États Unis, nous avons interviewé 22 étudiants et anciens étudiants ayant assisté au Business Curriculum, cours de 25 heures, qui parle du monde de l'entreprise, qui aborde des notions telles que le business plan, le marketing, le budget, connaître ses capacités, écrire un CV, etc.
C' est intéressant de voir leurs rêves. À terme, tous veulent travailler à leur compte. C'est normal, le travail informel occupe 90% de la population active dans le pays, dans les campagnes, c'est l'agriculture, et dans les villes, c'est des petits businesses familiaux, la boutique ou l'atelier est souvent la maison même, ou alors est dans la rue.
Mais la plupart ne sait de quoi il en retourne exactement. Il n'y a souvent pas de distinction entre l'argent pour les dépenses personnelles et pour le business.Ils savent à peu près combien ils gagnent par jour. Par contre ils sont plus forts que nous en calcul mental, me disait Phalkun, la responsable des formations (à part mon boss, tout le monde est Khmer ici, l'agence, appelée Chamroeun (« le progrès ») est dirigée par un Khmer aussi; Entrepreneurs du Monde supervise, coordonne). Il n'y a souvent pas la notion de force de travail non plus, de toutes les dépenses à soustraire pour savoir quel est le profit réel. C'est pour cela qu'une agence de micro-crédit fait aussi beaucoup de formations, pour apprendre aux gens à gérer leur argent, et donc savoir combien emprunter, comment épargner, pour mieux rembourser, et faire des plans d'avenir et d'expansion.
Les jeunes que j'ai interviewés ont un niveau de scolarité équivalent en moyenne à la 5ème, mais il y en a aussi qui ont le bac et plus. En effet, d'autres ONG, tels que Enfants du Mékong, veulent former des jeunes de haut niveau, et certaines formations sont ouvertes à d'autres étudiants donc j'ai parlé aussi à des étudiants des universités. Ces dernières poussent comme des champignons, mais l'enseignement n'y est pas toujours de qualité, et on peut même parfois acheter son diplôme ! L'exemple le plus frappant parmi ceux qui ont répondu au questionnaire était un étudiant en Master de finances qui avait pour ambition d' « ouvrir une banque », en toute simplicité, avec « 100.000 $ » comme capital de départ, provenant... d' « économies personnelles », ben voyons! Et le pire, c'est qu'il ne voyait pas où était le problème...
En même temps, mon travail était de contacter d'autres centres de formation pour savoir s'ils avaient déjà ce type de formation, et s'ils avaient des étudiants intéressés par l'auto-emploi que nous pourrions interviewer.
Entrer en contact avec les gens, c'est du sport !
Ce travail de contact a été incroyablement lent. N'ayant pas de contacts personnels, j'ai dû écrire des mails, avoir des conversations de sourds surréalistes, me faire raccrocher au nez au téléphone parce que la personne ne comprenait pas l'anglais. Puis peu à peu, j'ai obtenu des cartes de visite, des noms sur qui fait quoi. Et tout de suite, c'est allé beaucoup mieux. Mais souvent, j'ai eu affaire à plusieurs personnes dans la même organisation avant d'arriver à avoir les infos que je recherchais !
Sans compter les déplacements pour les rendez-vous. D'abord, comprendre où se situe le centre de formation sur la carte de la ville. D'accord c'est quadrillé avec des numéros, mais c'est pas si simple, sinon ce serait pas le Cambodge ! Il y a des quartiers, et il faut pouvoir prononcer les noms. Les moto-dop ne savent pas lire une carte, notre prononciation les déroute. Il faut pouvoir donner un repère (genre un marché), et lui faire des signes pour aller à gauche à droite, ce qui est difficile quand on y est jamais allé. Le plus souvent on tourne, on tourne. Quand on trouve toujours pas et que je comprends qu'on est paumé (80% des cas), j'appelle quelqu'un du centre en question et je passe le portable au moto-dop. Une fois, j'en ai eu tellement marre que j'y suis allée en vélo, mais pas de pot, je me suis trompée d'antenne! Après j'ai pris une moto pour arriver quand même au rendez-vous, le gars ne trouvait pas, il s'est mis à pleuvoir...J'ai dit au gars de faire demi-tour. Des fois, faut savoir lâcher prise !
Sur ce, à plus!
Discutez sur Messenger où que vous soyez ! Mettez Messenger sur votre mobile !
lundi 4 mai 2009
A Kratie, chez la famille Pat
Alors voilà. (Entre parenthèses, un ami m'a dit que ces deux mots le faisant penser à chaque fois à Brigitte Bardot : « Alors voilâââ.... » ! Mais nos points communs s'arrêtant là, je peux continuer sans risque de confusion !). Ayant trois jours de week-end grâce au 1er mai, je suis allée à Kratie, à plus de 6 h de bus de la capitale (à l'aller on a mis 8h... faut être motivé !)..., une toute petite ville au bord du Mékong, située à l'opposé des circuits touristiques classiques.
Kratie
C'est tout petit et très tranquille. Les deux attractions sont la promenade au bord du fleuve, et le marché (comme tous les marchés ici); ah et j'oubliais : les dauphins d'eau douce, fierté locale, mais il faut payer 12 dollars entre la moto et le bateau pour y aller, alors j'ai décliné, j'ai déjà vu d'autres dauphins dans ma vie !
Le lendemain matin, debout à 6h : le soleil se lève plus tôt et se couche plus tôt, alors je me suis vite mis au rythme, pour profiter de la fraîcheur; d'autant que mes soirées sont tranquilles : je mange à 19h, comme chez ma grand-mère, non, même plus tôt ! et puis lecture (un bon livre est indispensable quand on voyage seul) et puis dodo vers 22h après avoir écrasé plusieurs cafards volants (5 la première nuit, et un seul le lendemain, mais sur mon lit !) ; ils doivent être attirés par la lumière ! Ça prend du temps, il faut attendre qu'ils se posent, en priant pour que ce ne soit pas sur le lit !
Un petit guide touristique très bien fait indique des balades à faire dans le coin; je loue un vélo, et à 7 h du matin me voilà partie. Tout le long de cette petite route le long du Mékong, ce ne sont que des « Hello ! » lancés par tous les petits enfants mais aussi par les adultes, tout sourire. C'est bien agréable de bon matin ! Les maisons à la campagne sont quasiment toutes sur pilotis, certaines sont très modestes, d'autres vraiment très belles et spacieuses.
« Visite guidée » inattendue
Au bout d'une heure, à m'arrêter tous les 100 m pour prendre des photos, un jeune garçon à moto (il semble avoir 12-13 ans, en fait il en a 16) engage avec moi une discussion en anglais ; il est avec son petit frère (de 1 an et demi!) se tenant debout le nez dans le guidon au sens propre ! Je le prends d'abord pour une petite fille car il porte une robe. Il me demande si je veux visiter la « pagoda », le temple qui est juste à côté; il y en a dans chaque village, souvent monumental. Les quelques moines, tout jeunes, se tiennent à l'écart (j'ai appris dans les guides qu'une femme n'a pas le droit de toucher un moine...; sage précaution, car ils peuvent défroquer quand ils le veulent ! le statut est très souple, on peut être moine quelques mois, quelques années avant le mariage, ou le rester; pour bien des jeunes, c'est souvent simplement l'assurance d'être nourris et logés).
On fait le tour, et avant de partir on joue avec son petit frère avec les 12 animaux du zodiaque chinois : le tigre, le cochon, la chèvre...qui sont représentés sous forme de petites sculptures. Le petit Sothea est fasciné et coup de chance pour lui, il a juste la taille qu'il faut pour monter dessus ! Tournez manège ! Bona, son grand-frère, me dit qu'il veut devenir médecin, mais que comme il est pauvre il veut faire guide d'abord, c'est pour ça qu'il pratique son anglais avec les étrangers dès qu'il peut. Il me dit qu'il doit faire des courses pour sa mère mais que je suis la bienvenue chez lui. On se salue; je lui donne un dollar pour le remercier de cette visite guidée en lui disant de le mettre dans sa future cagnotte de médecin...
Chez la famille Pat
Une heure plus tard, j'étais sur le chemin du retour (9h, il fait chaud !), et le voilà qui me rattrape : « Tu peux venir chez moi si tu veux ! » Je ne me fais pas prier ! Et me voilà dans la petite maison de la famille Pat, tout en bois. À côté vit la tante de Bona, et la plus belle et la plus grande des maisons voisines appartient à la grand-mère.
Quand j'arrive, la mère me dit (son fils traduit) en riant : « Voilà la maison (ptea), désolée, c'est très simple, nous sommes pauvres ! »La maison des Pat doit faire 12 m2 avec la cuisine un peu en retrait,- on cuisine au charbon. Et en guise de salle de bains, il y a le Mékong qui est a une dizaine de mètres ! Les trois enfants (Bona est l'aîné) dorment dans le lit fermé par des rideaux. Les parents et le petit dernier, Sothea, dorment sur une natte par terre.Les vêtements sont entassés dans une petite penderie et sur un porte-manteau. Il y a aussi une petite télé très vieille, et par terre un petit autel pour les esprits protecteurs de la maison qu'ont tous les Khmers dans leur maison ou à l'entrée et devant lequel ils font brûler de l'encens régulièrement.
Séance de pose-photos !
La maman de Bona me dit qu'elle est très contente que je sois là; ils ont plusieurs photos de touristes qui leur ont rendu visite. Elle veut savoir ce que je fais en France, et me tape sur la cuisse en riant quand je lui dis que je suis professeur, ça lui plaît beaucoup; la tape semble être un signe d'affection, elle donne souvent des petites tapes en riant à Sothea. Depuis j'ai remarqué que tout le monde fait ça aux petits enfants, en plus des bisous. Elle veut savoir combien je gagne, je ne lui dis pas pour ne pas créer de malaise mais je lui explique que la vie est beaucoup plus chère en Europe.
Je prends des photos pour garder un souvenir, et c'est alors que la visite de cette famille si sympathique se transforme en véritable séance de pose-photos !! Il faut savoir que ici les gens adorent poser en couple avec des fonds kitch genre hôtel de luxe, ou alors avec des habits khmers traditionnels ; le principal point de mire est bien sûr le petit dernier… C'est le fou rire quand le petit Sothea, sur la demande de sa mère, se met à faire des clins d'œil ! Il rit quand il se voit en photo ! Il va être changé et revêtu de ses plus beaux atours, son grand frère lui fait prendre la pose, alors que lui voudrait juste lire mon petit fascicule de tourisme qui contient des images, mais il se laisse faire. Bona me laisse son adresse pour que je lui envoie les photos. Quel bon moment j'ai passé avec eux ! J'espère les revoir quand je reviendrai.
Sur l'ile d'en face
Je l'appelle l'ile d'en face car j'ai oublié le nom ! Elle fait face à Kratie et il n'y a que 5 min de bateau à faire. Le bateau, ou plutôt la barque, c'est encore le grand frisson avec tout ce qu'il ya dessus…il va falloir que je m'habitue ! Sur la petite ile (9 km de circonférence, idéal pour ma balade de l'après-midi), bonheur : pas de voiture. Les gens toujours très avenants. Des petits garçons qui recueillent les mangues m'en offrent une ! Et puis plus loin, je vois des maisons flottantes, vietnamiennes parait-il ; je remarque qu'elles ont toutes une antenne TV ; comment font-ils ?? Si vous avez la réponse, écrivez-le-moi dans les commentaires !
Pendant que je guette la barque pour le retour, une femme qui lave ses habits et qui vient de se laver aussi puisqu'elle a les cheveux mouillés et porte un sarong, engage la conversation dans un bon anglais. Elle m'apprend que tous les matins à 3h30 elle va vendre des légumes au marché. Elle s'excuse de son anglais, alors qu'il est bon, elle n'a pris que trois mois de cours car me dit-elle en riant « je suis pauvre »… Elle a 40 ans, et c'est la première femme non mariée que je rencontre ; « personne ne me plaisait », me dit-elle. Encore une fois, quelle rencontre ! Et ce n'était pas fini…
A l'école !
Après avoir débarqué du bateau, je vais dans une guest house pour me renseigner pour le bus du retour ; la fille du proprio, une jeune fille pas timide du tout de 13 ans me dit : « Je vais à mon cours d'anglais, tu veux venir avec moi ? » Et ben tiens, je ne vais pas dire non ! Quelle journée incroyable ! Le professeur est très accueillant. Il me demande de faire un jeu avec les élèves ; la seule idée qui me passe par la tête est de faire un pendu ! Hélas le mot « tomorrow » n'a trouvé aucun adepte, même lorsqu'il ne manquait plus que le m…
Pendant l'exercice de conjugaison, alors que quelques gamins sont plutôt dissipés, et que certains au fond jouent plus ou moins discrètement avec leur portable, il sourit tout le temps et a une patience d'ange ; il applaudit même quand la fille qui pousse toujours de grands cris trouve une bonne réponse au tableau.
Je prends congé en le remerciant. Le cours m'a laissé un peu perplexe, mais un peu plus je l'aurais embrassé tant cet homme respirait la bonté !
A la fin de cette journée, je me dis ca valait le coup de faire tant de bus : de telles rencontres n'ont pas lieu dans la capitale, enfin pas tous les jours, -en tout cas pas autant en un jour !
A la prochaine…
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